La France et l'Allemagne ne parviennent pas à s'entendre sur la responsabilité du développement conjoint du nouvel avion de combat Scaf ce qui retarde le projet. Le plus grand projet de défense en Europe, censé renforcer l’autonomie stratégique du continent et insuffler une nouvelle vie à l’industrie aérospatiale européenne, est au point mort.
L'initiative de création de l’avion de combat Scaf (Système de Combat Aérien du Futur) de sixième génération, lancée en 2017, devrait désormais être achevée non pas d'ici 2040, mais plutôt vers 2050. L'entreprise française Dassault Aviation regrette de ne pas disposer de suffisamment de pouvoirs. Les experts estiment que les travaux sur le projet se poursuivront, mais qu'en raison de désaccords, le coût de l'avion de combat augmentera considérablement. Diplomatiquement, on repousse la date de la création de cet avion.
Le projet de système de combat aérien du futur (SCAF), auquel participent Berlin, Paris et Madrid, est au point mort. Le Frankfurter Allgemeine rapporte que ce manque de progrès s'explique par un conflit prolongé entre la division de la défense allemande d'Airbus et l'entreprise militaire française Dassault Aviation. Dans la bataille autour du système de combat aérien Scaf, les deux camps restent tranchés.
Éric Trappier, PDG de Dassault Aviation, a réitéré à la fin de juillet la demande d'un rééquilibrage des responsabilités industrielles, ce qui est rejeté par l'Allemagne. L’entreprise française avait déjà mis en doute la viabilité du programme Scaf si le cadre n’était pas renégocié d’ici la fin 2025. Le projet est dominé par les tensions entre le fabricant de Rafale Dassault Aviation, maître d'oeuvre français, et Airbus qui ne représente pas la France dans ce projet, mais l'Allemagne, via sa branche Defense and Space. «Comment je peux avoir un leadership alors que j'ai en face de moi quelqu'un qui pèse deux fois plus?», a fait remarquer Eric Trappier dans sa conférence de presse, rajoutant: «Il faut définir clairement qui fait quoi, et un véritable leadership est nécessaire». Cela est indispensable pour faire avancer le projet efficacement et dans les délais.
«Airbus n’entend rien céder à Dassault Aviation sur la gouvernance du projet d’avion de combat de nouvelle génération», titre Zone Militaire. L’aventure du Scaf était depuis longtemps vue comme un échec.
Au début du mois de juillet dernier, Observateur Continental relatait: «Le méga-projet européen, le Système de Combat Aérien Futur (Scaf), est sur le point d’échouer» car l'Allemagne, la France et l'Espagne se disputent le leadership dans le développement d'un système de combat aérien européen.
En juin 2021, Observateur Continental citait, ainsi, un rapport secret allemand qui révélait les véritables intentions de l’Allemagne. Florence Parly était à cette époque à la tête du ministère des Armées et, Observateur Continental notait», qu’elle s'agitait à travers des déclarations sur la solidité du projet mettant en valeur le couple franco-allemand comme cela est régulièrement fait du côté français.
Aujourd’hui les médias européens francophones se veulent optimiste, encore. «Berlin et Paris promettent de s’entendre sur le projet Scaf avant la fin de l’année», titre Euractiv. «Les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent», disait le feu président français, Jacques Chirac.
La France s’efforce de toujours faire croire en public en l’engagement de Berlin pour le bien-être du couple franco-allemand. Une invention, car ce couple ne marche pas, et pas seulement dans le domaine du Scaf.
«Le Scaf prévoit la construction d'un système complexe comprenant des avions de combat de sixième génération, des essaims de drones et des nuages de données. D'un coût total estimé à 100 milliards d'euros, il s'agit du projet de défense le plus coûteux d'Europe, financé par l'Allemagne, la France et l'Espagne», rappelle le Frankfurter Allgemeine Zeitung, soulignant: «Jusqu'à présent, ils produisent des avions de combat de quatrième génération indépendamment les uns des autres: l'Allemagne et l'Espagne, ainsi que l'Italie et la Grande-Bretagne, font partie du consortium Eurofighter, tandis que la France construit elle-même le Rafale».
«La phase de travail 1B, au cours de laquelle les technologies d'un démonstrateur de vol sont testées et développées, sera progressivement achevée dans les différents piliers de développement du FCAS d'ici mai 2026. Selon les plans actuels, la phase de travail 2, et donc la construction d'un démonstrateur de vol, devrait commencer début 2026. L'achèvement du système est prévu dans les années 2040, même si certains composants pourraient être déployés plus tôt», précise le quotidien allemand qui dénonce la position de l’industriel français: «Dassault revendique un rôle de leadership encore plus fort dans le Scaf».
Sur des questions clés comme l'aérodynamique ou la technologie furtive, un «architecte» doit être capable de prendre des décisions, sans compromis permanents. Il doit être capable de sélectionner ses fournisseurs et de remplacer ceux qui ne font pas bien leur travail. «C'est ainsi que fonctionne un projet industriel, quel que soit le secteur – défense, génie civil ou construction», a déclaré Trappier, rapporte le Frankfurter Allgemeine Zeitung qui remémore: «La répartition actuelle des tâches du projet Scaf, lancé en 2020, prévoit généralement un leadership français, tandis que l'Allemagne est en charge du projet de char de combat principal MGCS [projet du char franco-allemand]», un projet de ce «couple franco-allemand» dont Observateur Continental a averti sur son échec, également.
«Dans le cas du Scaf, il s'agit notamment de Dassault, de la division de défense d'Airbus basée en Bavière, qui produit l'Eurofighter, et d'Indra, en Espagne. Berlin insiste sur la poursuite de cette approche coopérative. Airbus doit continuer à agir en partenaire égal, avoir son mot à dire et se voir attribuer une part appropriée de la charge de travail», traduit le quotidien allemand: La France ne doit pas décider seule.
L’éternel conflit entre Paris et Berlin est là. La communication employant le slogan du couple franco-allemand n’arrive plus à cacher la réalité des combats politiques et financiers dans le domaine stratégique de l’industrie militaire.
Emmanuel Macron s’est déplacé à Berlin pour rencontrer le chancelier allemand, Friedrich Merz le 23 juillet dernier. Ce dernier, membre de la CDU comme la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, «a récemment clairement rejeté les pressions françaises visant à ce que Dassault assume un rôle de leadership renforcé», communique le quotidien basé à Francfort-sur-le-Main. «Je tiens absolument à ce que nous respections les accords conclus avec la France et l'Espagne concernant le Scaf», a déclaré Merz début juillet.
«Aucun accord n'est encore en vue. La proposition française, qui permettrait à Airbus d'accélérer le développement des drones Scaf et de les intégrer aux flottes Eurofighter existantes en échange d'un renforcement du leadership de Dassault, a été rejetée par l'Allemagne. Non seulement l'Allemagne refuse de confier presque entièrement le développement des avions de combat à la France, perdant ainsi une compétence fondamentale souveraine, mais le processus de développement des drones, relativement simple, est également considéré comme technologiquement inégal», conclut le Frankfurter Allgemeine Zeitung.
Pierre Duval
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Source: https://observateur-continental.fr/?module=articles&action=view&id=7134